Enfoiré de Journal,

Premier jour, première page...

Aujourd'hui je me suis réveillée... ils ont dit que ça faisait longtemps que ça n'était pas arrivé. Aujourd'hui j'ai ouvert les yeux... j'ai envie de les refermer.

Si je t'écris du bout de la plume, c'est parce qu'on m'a ordonné de le faire. Ne t'imagine pas une seule seconde que je puisse y prendre du plaisir, parce que c'est faux. On m'a demandé de noter tout ce qui peut me passer par la tête, on m'a dit que c'était essentiel pour que mon "retour à la normale" soit complet... c'est ce que je fais : je déteste cette idée !!!!!!!

"Retour à la normale" ? C'est quoi ça ? Je suis cassée et il faut me réparer ? C'est ridicule, pathétique et stupide. Le pire c'est que j'ai une bonne raison de dire ça : comment saurais-je que j'entreprends un retour vers la normalité si je suis incapable de me souvenir de ce à quoi elle ressemblait ?

La vérité, enfoiré de Journal, c'est que je n'y comprends rien. Je sais parler, je sais écrire, je sais même penser et réfléchir... mais je le fais mal. Sauf écrire remarque, c'est pas compliqué, mais je dois me faire violence pour que les mots restent dans un ordre compréhensible, pour que les phrases que j'étale sur ta première page d'une écriture hésitante et mal ancrée (non ce n'est pas une faute, si j'avais voulu dire "encrée" je l'aurais fais) aient l'air d'être réfléchies et travaillées. C'est le cas... je crois...

Tout est brumeux dans ma tête, rien n'est clair et la lumière est à la fois absente et trop forte. J'ai quelque chose à l'intérieur de mon crâne qui ne cesse de cogner, encore et encore, de plus en plus fort et de plus en plus durement... ce "locataire indésirable" me rend folle, il sape toute mon énergie, toute ma volonté... il me fait mal, il m'empêche de penser à long terme et, pire, de me souvenir. Je ne me souviens de rien, pas même de mon nom ! Ils disent que je m'appelle Flora. Je les crois sur parole, mais ça n'évoque rien pour moi, mon coeur n'a pas même frémit quand ils ont dit ce nom. Me mentent-ils ? Suis-je perdue à jamais dans les méandres d'un labyrinthe que je me suis construite toute seule ? Est ce que le brouillard va finir par se lever ? J'ai chaud, j'ai froid, j'ai mal, je me sens seule mais je ne supporte la présence de personne à mon chevet, j'ai envie de sortir de mon lit mais je suis incapable de rester debout plus d'une demie seconde avant de m'effondrer par terre...

Prouve moi que j'ai tord, enfoiré de Journal, prouve moi que tu sers bien à quelque chose, guéris moi, porte moi, nettoie ma tête et rattrape mes souvenirs, rends moi la normalité qu'on m'a prise... où du moins montre la moi histoire que j'ai un comparatif en tête... je ne sais pas qui je suis... à ce stade, je n'ai même pas envie de le savoir. Je veux dormir, m'endormir et me réveiller dans un monde où la brume n'existe pas, ici elle prend trop de place, trop d'espace, elle est tellement présente que je peux à peine respirer, c'est insupportable... sauve-moi !

Enfoiré de Journal,

Second jour...

Forcée d'écrire, ordre de l'infirmière.

Douleur... douleur... brume... douleur... douleur... brume...

Nouveau ? Rien... Intéressant ? Rien.

Une fille est passée me voir, elle dit qu'elle est mon amie. J'ai souris et j'ai hoché la tête comme la bonne petite amnésique gentille qui veut s'en sortir que je suis supposée être.

Tu sais quoi ? J'emmerde cette pute, je l'emmerde ! Ma mémoire je la veux, j'ai pas besoin d'être dérangée par une espèce d'idiote qui pense être mon amie juste parce que je lui ai souris une fois. Foutez moi la paix ! Est-ce que j'ai demandé à être une bête de foire ? Non... Je veux juste qu'on me laisse endurer ma douleur tranquillement, sans m'obliger à voir des visages soucieux et à écrire des lignes remplies de ma frustration !

OUI J'AI MAL, OUI J'EN AI MA CLAQUE D'ÊTRE LE CUL DANS CE FOUTU LIT !!! OUI JE VEUX ME SOUVENIR DE MOI, DE MA VIE, DE MON MONDE !!!

Maintenant lâchez moi la grappe, vous qui lisez cet enfoiré de journal, fichez moi la paix et laisser moi m'en sortir toute seule. J'ai pas besoin de regards entendus, de vos mines horrifiées et de vos phrases bateau, j'ai pas besoin qu'on s'inquiète pour moi et qu'on attende avec impatience que le "moi d'avant" revienne... moi aussi j'attends tout ça et moi aussi j'ai peur que ça n'arrive jamais, inutile d'en rajouter, d'étaler votre inquiétude, réelle ou non, devant mes yeux juste pour me montrer que quelqu'un en a quelque chose à faire.

Moi, j'en ai quelque chose à faire.

Je suis la principale concernée non ? Alors laissez moi me débattre avec moi même bordel de merde ! Vous m'aidez pas, vous m'enfoncez !

Enfoiré de Journal,

Troisième jour... de lucidité. Je précise parce que j'ai dormis presque deux jours depuis la dernière fois que j'ai écris

Finalement j'ignore ce qui a bien pu me passer par la tête ! Je viens de relire les deux dernières pages et je n'y comprends presque rien. De quoi je me plains hein ? D'après ce que j'ai compris, j'aurais pu mourir ! Et je suis en vie !

La douleur est très supportable aujourd'hui et tout le monde est très gentil avec moi. L'infirmière m'a apporté des chocogrenouilles, j'avais oublié ces trucs, c'est amusant et j'ai décidé de collectionner les cartes. Elles sont jolies et ça me permettra de me focaliser sur quelque chose de constructif comme... je sais pas... un mur de cartes chocogrenouilles ? Je mettrais tous les doublons côte à côte pour faire des figures spécifiques, où même un portrait, ça pourrait être drôle non ?

On pourrait croire que je m'ennuie mais non. D'abord, je ne fais que dormir où presque. L'infirmière a dit que je dors en moyenne environ 20h par jour... mieux qu'un chat ! Bientôt je vais ronronner, j'en suis sure !

Aujourd'hui je me suis souvenue de mon prénom toute seule ! Je sais que ça n'est pas grand chose, mais on m'a dit que c'est déjà un grand pas ! Du coup je vais l'écrire ici. Flora. C'est joli je trouve, ça sonne bien...

Flora, Flora, Flora... je pourrais l'écrire des heures !

J'aimerais bien me souvenir d'autre chose, mais dés que j'essaie j'ai une migraine qui déferle sur moi comme la misère sur le pauvre monde... du coup j'essaye d'éviter.

Et à demain Ô journal-de-mémoire ! Je suis debout depuis près de trois heures (même si "debout" est un grand mot vu que je reste plutôt couchée) et je suis fatiguée. Bonne nuit !

Enfoiré de Journal,

Quatrième jour...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai mal...

Je suis supposée écrire quoi d'autre quand il n'y a plus que la douleur ? J'ai mal... c'est tout. Le moindre mouvement de plume m'élance jusqu'au plus profond de mon âme, j'ai l'impression que chacune de mes cellule essaye de fusionner avec sa voisine en utilisant de la lave...

J'ai mal...

On vient de m'apporter une potion pour dormir, ils doivent en avoir marre de m'entendre gémir, pleurer et crier...

J'ai mal...

J'ai mal...

J'ai...

Enfoiré de Journal,

Cinquième jour... je crois... je suppose... je ne sais plus.

Je perds le compte des heures et des jours que je passe ici. Ma mémoire ne revient toujours pas et mon monde entier se limite à cette partie de l'infirmerie et aux rideaux qui l'entoure. C'est un petit monde clos dans lequel il ne se passe pas grand chose... et par "pas grand chose" j'entends "rien" bien sûr. Je m'ennuie mais je n'ai pas la moindre idée de ce que je pourrais faire pour que ça ne soit plus le cas. On m'a apporté des livres, mais je n'arrive pas à lire plus de dix lignes sans que des migraines affreuses me déchirent la tête de part en part.

Le point positif c'est que le reste du temps elles me laissent tranquille depuis au moins... oh je ne sais pas... deux heures ? Trois ? Un truc comme ça. Les potions inutiles qu'on me fait ingurgiter toutes les demies-heures ont peut-être un effet bénéfique finalement. Pas sur ma mémoire... mais au moins sur les maux de crâne qui m'arrachent les tympans.

Cinquième jour deuxième partie.

J'ai une image qui flotte devant mes yeux, celle d'un homme qui se penche au dessus de moi pendant que je dors. Il a l'air inquiet, effrayé et soulagé en même temps. J'ignore qui il est, je n'ai epas le moindre souvenir de son visage et son regard ne me dit rien. Mais je suis sure qu'il était vraiment là, que ce n'est pas un nouveau rêve à la con qui viendrait me hanter. C'est réel ! C'est aussi brumeux que le reste mais c'est la chose la plus réelle que j'ai vue depuis mon premier réveil lucide, même l'infirmière et ses saloperies de drogues sont moins palpables.

C'était réel...

Enfoiré de Journal,

Compter les jours ne sert plus à rien, ça fait beaucoup trop longtemps que je n'ai rien écrit. Du coup j'ai des tonnes de choses à te raconter !

J'ai quitté l'infirmerie. L'infirmière pensait que c'était peut-être un peu prémédité, mais deux personnes sont arrivées dans un état assez grave, et je suppose que ça a accéléré les choses. Elle ne devait pas avoir envie que j'assiste à ça trop longtemps. J'avoue avoir jeté un coup d'oeil à travers les rideaux qui les cachaient à ma vue, c'était le Professeur Cole et la nouvelle, Lucie quelque chose... elle a été transférée en cours d'année, c'est la première fois que je vois ça. Elle était à Beauxbatons avant, l'école de magie Française. Je sais qu'elle est en tutorat avec le professeur Cole, comme moi. J'imagine que le cours de cette fois là s'est mal passé parce qu'ils étaient tous les deux couverts de sang quand ils sont arrivés. Ça avait l'air assez grave.

J'avais déjà repris les cours mais maintenant j'ai repris une vie normale. Je vais en cours, je vais voir le professeur Cole, qui s'est très bien remis de ses blessures, pour rattraper mon retard, je dors dans mon dortoir habituel, je vois mes amis... bref une vie normale ! Je bosse beaucoup, vraiment beaucoup, mais il faut que je rattrape tout ce retard si je veux finir mon année dans les meilleurs, hors de question que je me contente d'être médiocre. Comme si j'avais déjà été médiocre dans ma vie, ridicule, hors de question que je commence maintenant !

J'ai aussi repris les entrainements de quidditch. Mon équipe s'est bien débrouillée quand j'étais absente, mais ils ont besoin d'être sur-entrainés pour rattraper tout ce temps perdu. Du coup je les convoque très souvent... mais ça va aller, je ne leur dirais probablement jamais mais je suis fière de leurs progrès rapides.

Bref. Je n'ai pas vraiment le temps d'écrire ici, faut que je ponde six rouleaux de parchemin sur les bézoards pour demain... dans tous les cas je vais mieux. La seule ombre au tableau c'est ma soeur, qui reste introuvable... et quelques brides de mémoire qui refusent de revenir... mais je finirais bien par tomber sur elle, même si elle m'évite, et ma mémoire reviendra, j'en suis sure !